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Velay : Lieux dits - Lieux peints / Peintures Anne Baudequin, Textes Jean-Paul Rogues

  • chroniqueslitterai
  • 15 mai 2023
  • 2 min de lecture

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Velay – Lieux dits – Lieux peints.

Textes : Jean-Paul Rogues.

Huiles sur toile : Anne Baudequin.

Le beau livre commence par un dialogue, celui que l’écrivain engage avec la peintre. Le medium de cet échange pourrait être la région du Velay, chère à leurs cœurs et qui nourrit leur inspiration. Mais il s’agit avant tout de faire place : la nature s’impose, parce qu’ils sauront l’imposer.

C’est « humblement » qu’il faut œuvrer, précise l’introduction. Peinture et écriture s’effacent et se fondent dans une offrande : la « proximité que nous pourrions avoir avec les arbres, les ruisseaux, les prairies dont nous pourrions aussi nous éprendre si nous refusions la malédiction qui a fait de la nature un objet tout extérieur dont nous pouvons disposer… »[1] Le projet est tracé : réitérer sans fin un miracle d’admiration, par le geste et par les mots ; livrer de la nature une représentation complexe, pétrie d’intimité et de stupeur.

« Elle est retrouvée

Quoi ? L’éternité. »[2]

Une masse de nuages envahit les « Rochers aux Estables » d’Anne Baudequin ; ils ne quémandent pas leur place, ils s’en saisissent et débordent. Ces nuages épais s’imposent, indifférents à la pensée corruptrice. De même, la Loire du « Cinq septembre » dévore le tableau, tolérant à peine les rayons timides du levant : que peut l’écriture ? Est-il utile que les mots rivalisent ? Le poète choisit d’être au monde et d’accompagner l’évidence.

« Âme sentinelle, Murmurons l’aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu. »

Le regard porté sur le « Vingt-deux janvier » d’Anne Baudequin est écrasé par un ciel jupitérien ; nulle douceur dans les nuées bleues et franches qui saisissent l’observateur ; l’écrivain s’efface dans un paysage en creux, pour « laisser le moins de trace possibles ». L’écriture accompagne le pinceau ; elle s’ajuste, elle présente, elle introduit et célèbre : « Tout est là disponible au regard, en attente d’être vu ».[3] Le poète se laisse happer par l’espace, « orgie de solitude heureuse »[4] . S’il échappe à l’écrasement de la couleur verte, incarnant la forêt du « Vingt juillet », c’est pour s’exposer comme une proie possible à une lumière incandescente.

« J’étais sorti pour me voir confirmer qu’il ne se passait rien »[5] Une colline au soleil couchant confirme ainsi qu’être là est suffisant, au service d’une réalité qui surpassera toujours l’art des humains. Il faut alors une langue profonde, liturgique, vespérale, que le poète appelle de ses vœux. Le miracle d’une éternité retrouvée.

[1] Jean-Paul Rogues, Velay, Lieux dits – Lieux peints, page 5. [2] Arthur Rimbaud, « Derniers vers ». [3] Jean-Paul Rogues, page 28. [4] Ibid., page 31. [5] Ibid., page 37.


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